Avant même de commencer à lire cet article, vous allez sans doute vous dire « est-ce vraiment nécessaire de s’y attarder ? Elle va prêcher pour sa paroisse, c’est sûr ! ». Alors pour appuyer mon propos, sachez que l’idée m’est venue en écoutant l’un des épisodes de podcast d’Aline de The BBoost qui s’intitule « Mon marché est saturé, c’est trop tard pour moi ! », dans lequel elle s’adresse à TOUS les freelances.
Je sais de source sûre que la francophonie manque de rédacteurs et rédactrices web qualifiés (je vais développer) et pourtant, comme tout le monde, il m’arrive de douter. Les évidences et mes connaissances peuvent parfois être remises en question quand tout le monde martèle une information fausse. C’est d’ailleurs comme cela qu’on se retrouve avec de plus en plus de platistes dans le monde et plus globalement, avec une montée en puissance de la désinformation et la malinformation.
En marketing, on dit souvent qu’il faut 7 commentaires positifs pour écraser un commentaire négatif.
Vous est-il déjà arrivé de filtrer les commentaires en commençant par lire les plus mauvais avant de réserver un AirBnB ou de vous rendre dans un restaurant ? Cela m’arrive régulièrement… je l’avoue. Le problème à l’heure actuelle, c’est qu’entre les freelances qui échouent dans leur reconversion en rédaction web et les journalistes qui se régalent de jouer avec les peurs autour de l’IA, il devient obligatoire d’agiter le drapeau blanc et d’essayer de remettre les pendules à l’heure.
Combien de sites sont créés chaque année en francophonie ?
Il n’existe pas d’étude permettant de savoir quel est le nombre exact de sites créés en francophonie chaque année. Néanmoins, le site de l’AFNIC a réussi à extraire l’information suivante : 801 427 nouveaux noms de domaine en .fr ont été créés en 2023 (source : Bilan 2023 AFNIC).
Nous sommes bien d’accord : cela n’inclut donc pas tous les sites en .org, .com, .net, .eu et autres extensions.
Il s’agit donc du nombre minimum de sites créés en francophonie, en ne comptant que les .fr, sur une année.
Mon organisme Formation Rédaction Web, le seul vraiment spécialisé en rédaction web SEO en France (dans le sens où nous sommes les seuls à délivrer une formation certifiante en rédaction web SEO – contrairement à la plupart des autres organismes qui soit sont axés sur le copywriting, soit sur l’écriture corporate – je ne dénigre pas, j’informe pour pouvoir expliquer la suite). Bref. Notre organisme n’a formé QUE 4 000 personnes en 7 ans. Si l’on compte les autres organismes et formateurs indépendants, je pense que l’on monte, à la louche, à, grand grand max 7 000 – 8 000 personnes formées en France. Je rappelle qu’être formé ne signifie pas être compétent•e (malheureusement). Certain•e•s ont abandonné en cours de route, ont changé de cap entre temps tandis que d’autres ont travaillé quelques années, puis évolué vers d’autres compétences digitales.
Si l’on lisse en fourchette basse le nombre de sites créés ces 7 dernières années, on prend 700 000 sites (vous voyez, j’en prends 100 000 de moins) x 7 ans = 4 900 000 de sites créés en .fr depuis que j’ai lancé Formation Rédaction Web contre maximum 8 000 personnes formées à ce métier en France. Soit potentiellement 612 sites en .fr à gérer par personne, si tous les rédacteurs formés décidaient de travailler à temps plein.
Bien sûr, il existe les agences de création de contenu, des rédacteurs salariés et autres créateurs de contenu. Mais je vous rappelle aussi que lorsque je parle de sites, je ne parle pas de pages et d’articles de blog.
Je fais donc appel à ChatGPT pour vous donner une idée du nombre de pages publiées en fonction du type de site :
Type de site | Nombre moyen de pages publiées |
---|---|
Site vitrine | 5 à 20 (hors blog) |
Site e-commerce (petit) | 100 à 500 |
Site e-commerce (moyen) | 1 000 à 10 000 |
Blog personnel | 100 à 500 |
Média / blog pro | 1 000 à 100 000+ |
Site institutionnel | 50 à 2 000 |
Plateforme (SaaS, forum, etc.) | 10 000 à plusieurs millions |
Puis, je vous laisse faire une petite multiplication. 4,9 millions de sites web, multipliés par le nombre de pages…
Je pense que si l’on faisait la même chose avec les restaurants, on pourrait tirer la conclusion qu’on a beaucoup plus de chances de réussir dans la rédaction web qu’en ouvrant un restaurant ou un salon de coiffure.
Pourtant, tout le monde mange et tout le monde se coupe les cheveux (sauf les chauves, j’en conviens). Comme pour la rédac’, on pourrait dire «oui, mais les gens peuvent cuisiner eux-mêmes », « oui, mais on peut demander à des amis de nous couper les cheveux ».
En effet, on peut manger chez Flunch pour 18 €, chez Mc Do à 8 €, dans une Brasserie pour 30 €, un gastro à 100 €, un étoilé pour 250 €, etc.
Est-ce que tout le monde veut aller chez Flunch ? Non. Est-ce que Mc Do séduit tout le monde parce que c’est « pas cher » ? Non plus.
L’intelligence artificielle n’est pas plus une menace pour les rédacteurs que Mc Do ne l’est pour une brasserie ou un gastro.
Re Bref. Si le fait de faire un Gmaps en tapant «salon de coiffure » ou « restaurant » suffisait à décourager celles et ceux qui veulent se lancer dans l’entrepreneuriat parce qu’il y a trop de concurrence, la vie serait bien triste ! Idem si les brasseries ou les restaurant étoilés décidaient de ne pas ouvrir prétextant qu’il y a déjà trop de supermarchés et de fast food…
Le vrai problème des rédacteurs et rédactrices web qui ne réussissent pas à trouver de clients et mettent cela sur le compte d’un marché saturé
Comme le dit Aline dans son épisode de podcast, le problème n’est pas le marché, mais le positionnement. Si je me concentre sur le monde de la rédaction web, ce que je vois est inquiétant : des rédacteurs et rédactrices utilisent des méthodes magiques, des pseudos hacks censés leur permettre d’obtenir des clients facilement sur les réseaux sociaux. Certain•e•s semblent récupérer des prompts pour générer des posts LinkedIn afin d’appâter les clients ! Mais (désolée) WTF ?
Est-ce qu’un restaurant Joël Robuchon proposerait des nuggets Leader Price comme échantillon ?
Eh oh les rédac’ ! Si vous proposez des prestations de vente de contenu écrit, évitez de partager des posts écrits par des IA !
Donc, on en était au positionnement. Nous sommes tous et toutes différentes (vous apprécierez l’accord de proximité). Il n’est donc pas difficile de se positionner à partir du moment où l’on est soi-même. Facile me direz-vous ! Eh bien non… visiblement, être soi-même est quelque chose de très difficile, car à force de lire les conseils des uns et des autres, on se sent nul, à côté de la plaque, on ne sait plus quoi dire, quoi faire et comment.
Pourtant, plus vous serez authentique et aligné•e avec ce que vous faites, plus vous transmettrez une bonne énergie et plus vous inspirerez confiance.
Cela paraît tout bête, mais cette évidence est trop souvent recouverte de certitudes et de publicité, influences en tout genre qui nous font perdre confiance en nos compétences et notre singularité.
Mon conseil serait donc de cultiver votre singularité, d’oser être vous-même et de communiquer comme vous en avez envie, quand vous en avez envie.
Mes élèves le savent bien, je n’ai jamais encouragé les rédacteurs et rédactrices à s’épuiser sur les réseaux sociaux, car ce n’est pas leur rôle. L’objectif quand on est rédac’ est de trouver des clients réguliers et 10 h de démarchage permettent d’obtenir bien plus de résultats que 10 h à créer des posts, des carrousels et des reels. Si vous passez des heures à communiquer au lieu de chercher activement des clients, vous réduirez vos chances d’en trouver.
Faites le calcul et basez-vous sur la Loi de Pareto (20 % de vos actions qui rapportent 80 % de bénéfices), vous verrez rapidement ce qui est le mieux pour vous.
La rédaction web : un marché saturé et menacé par les IA génératives
Si les marketeurs utilisent énormément l’IA, cela ne signifie par qu’ils génèrent des textes complets sans vérification.
D’ailleurs :
43 % des marketeurs craignent de devenir dépendant des outils IA et à terme de produire un contenu moins différenciant. (Stratégie, 2023)
La plupart des marketeurs l’utilisent pour la recherche de titres, d’idées, de brouillon.
Dans 96 % des cas, le contenu généré par l’IA ne sera pas assez complet pour être publié tel quel (Isarta 2023).
Lorsque j’évoque les marketeurs, cela signifie qu’il s’agit de grandes entreprises qui font appel à des marketeurs, souvent via des agences, ce qui n’est pas le cas de la plupart des TPE/PME. Ces derniers préfèrent généralement faire appel à des freelances pour gérer leur contenu ou laissent des membres de leur équipe gérer la communication (alors que ce n’est pas du tout leur métier, hum).
Le résultat : une perte de temps et d’argent considérable, car travailler sans compétence ni stratégie et contre-productif. Je pourrais vous montrer des centaines et des milliers de sites dont la communication est plus que bancale. En fait, pratiquement toutes les entreprises ont besoin de stratégie de contenu et ne savent pas par où commencer.
L’IA ne fait pas de stratégie, elle peut se piloter, faire office d’assistant, mais ne peut rien générer sans cerveau humain aux manettes. De plus, ce qu’elle génère a impérativement besoin de retouches, car les textes ne sont que des compilations de textes déjà publiés. Il n’y a donc aucune nouveauté, aucune créativité. Tout ce que génère l’IA a déjà été publié, mélangé et regénéré, avec le style, le vocabulaire et une syntaxe propre à l’IA.
Je vous rappelle que l’IA générative ne se base que sur des probabilités, donc si elle estime que les mots «essentiel » « crucial » ou « non seulement » sont très souvent utilisés sur le Web, elle vous donnera du «essentiel » « crucial » et du « non seulement » à toutes les sauces !
Ça vous parle ?
L’IA ne fait que standardiser le contenu et lisser la communication des entreprises qui l’utilisent de la mauvaise manière.
Je partage avec vous cette étude Ipsos et vous laisse le temps d’y réfléchir :
J’en reviens donc au sujet du marché saturé.
Il est évident que certaines entreprises ont fait le choix (durable ou non) de tester l’IA. Soit pour réduire leur budget communication, soit pour suivre les tendances, soit pour ne pas avoir l’air bête vis-à-vis de tous ceux qui prônent l’utilisation de l’IA. C’est une réalité, un fait.
Ces entreprises engagent moins de rédacteurs et rédactrices web, certes, mais on ne passe pas d’une excellente rédactrice web humaine à une IA générative. Par contre, on peut passer d’un forfait de rédaction de contenu au kilomètre à une plateforme à une IA sans problème.
À mon sens, il n’y a pas tellement de changement. Soit l’entreprise veut de la qualité et veut un rédacteur ou une rédactrice web SEO professionnel•le pour gérer son contenu, quitte à s’appuyer sur l’IA comme assistant pour certaines taches, soit elle se fiche de son image, du contenu écrit et génère du texte au kilomètre sans stratégie éditoriale.
Il existe donc 2 types d’entreprises :
– Celles qui font attention à leur image et créent du contenu profond, réfléchi, de qualité.
– Celles qui publient pour publier, sans réflexion stratégique (qualité + valeur ajoutée).
La base du marketing est en principe de fournir du contenu de qualité pour réussir à capter l’attention avant de convertir. Il est donc assez probable que l’image des entreprises qui font de mauvais choix stratégiques en ce moment le regrettent amèrement dans quelques années.
Je terminerai avec quelque chose qui me semble important. Quand on travaille dans un domaine, celui-ci devient une évidence et on a du mal à concevoir que les autres ne voient pas ce qui nous saute aux yeux. C’est ainsi que l’on se dit qu’il est IMPOSSIBLE qu’une belle entreprise ne soit pas au fait de ce qu’elle doit faire pour réussir sa communication et être bien positionnée dans les résultats des moteurs de recherche.
Pourtant, ce que nous apprenons en rédaction web SEO n’est une évidence pour personne. Amusez-vous à demander autour de vous comment les algorithmes de Google choisissent de positionner certains sites dans ses premiers résultats. Amusez-vous à demander à un chef d’entreprise qui a un site web s’il sait à quoi ressemble une bonne structure Hn pour ses pages et comment l’IA sélectionne les sites qu’elle cite (GEO).
Les bases de la stratégie de contenu ne sont souvent pas connues, pourtant, c’est ce qui permet de gagner la confiance du public sur le long terme.
La plupart des entreprises publient de mauvais textes, elles publient pour publier, injectent des milliers d’euros en SEA et ne s’en sortent jamais. Pourquoi ? Parce qu’elles ne savent pas par où commencer et n’ont pas d’objectif précis.
Je peux maintenant boucler la boucle : le marché n’est pas du tout saturé, mais les freelances doivent réussir à bien communiquer avec leurs potentiels clients.
On en revient à la pyramide de conscience d’Eugene Schwartz : je n’achète rien tant que je n’ai pas conscience de mon besoin.
Je reviendrai bientôt avec une vidéo sur le démarchage en rédaction web, alors pensez bien à vous abonner sur YouTube !
Je n’ai pas utilisé l’IA pour rédiger cet article, mais je lui ai demandé de m’aider à conclure. J’aime bien :
📌 Ce qu’il faut retenir (1/2)
Le marché n’est pas saturé :
– Des millions de pages créées chaque année
– 800 000 nouveaux sites en .fr en 2023
– Des besoins en contenus sur tous les secteurs
– Trop peu de rédacteurs formés et compétents
– Trop de contenus bâclés ou sans stratégie
– Les entreprises cherchent, mais mal
– Il y a de la place pour les bons profils
– Le vrai problème, c’est l’approche, pas la demande
📌 Ce qu’il faut retenir (2/2)
Ce que doivent faire les rédacteurs web :
– Se positionner clairement
– Cibler un type de client ou de besoin
– Travailler leur argumentaire, pas leur ego
– Faire de la pédagogie, pas du remplissage
– Démarcher, pas juste publier
– Créer du lien, pas juste du contenu
– S’appuyer sur l’IA, sans en dépendre
– Cultiver leur singularité, pas leur perfection
– Viser la régularité, pas la viralité
À très vite pour la suite.
Lucie Rondelet