5 axes qui permettent de mieux comprendre la data science avec Aurélie Jean

Les algorithmes n’ont pas bonne presse. Formidable outil technologique pour certains, instrument de contrôle des individus pour d’autres, l’Intelligence Artificielle (lA) n’emporte pas l’unanimité auprès du grand public. Docteure en sciences numériques, enseignante-chercheuse, mentor au Frontier Development Lab. de la NASA, Aurélie Jean démystifie le prétendu “superpouvoir” des algorithmes, mais les défend. Cette experte “numéricienne” visionnaire, nommée au grade de chevalier de l’ordre national du mérite en 2020, nous le rappelle : ce sont les interventions humaines qui font qu’un algorithme peut avoir un impact positif ou négatif sur nos vies.

1 – Exploiter les algorithmes pour comprendre les mécanismes de nos sociétés 

Experte dans les domaines de la science des données, de l’intelligence artificielle, de la cybersécurité et de la transformation numérique, Aurélie Jean s’appuie sur des méthodes scientifiques pour produire de la connaissance à partir de données. “Je développe des modèles mathématiques et des algorithmes pour simuler un phénomène de la réalité dans le but de répondre à une question, résoudre un problème, comprendre des mécanismes voire faire des prédictions.” Concevoir des algorithmes est un processus très complexe, qui intègre, entre autres, le contrôle de la véracité des bases de données utilisées, l’exploitation de réseaux neuronaux profonds et la réalisation de tests à chaque étape de l’élaboration d’un programme. Des machines extrêmement puissantes se nourrissent de données et exploitent des algorithmes complexes afin de fournir les résultats les plus pertinents et compréhensibles possibles. Pour la scientifique, “écrire un algorithme, c’est dessiner un chemin de résolution pour un problème donné, un moyen précis et fiable d’accéder à la réponse recherchée. C’est tenter de maîtriser notre monde, aux nombreux enjeux aujourd’hui encore insaisissables.”

2 – Comprendre l’Intelligence Artificielle pour ne plus la craindre

Comme la plupart des évolutions scientifiques, l’IA et ses algorithmes peuvent apparaître comme des “menaces” pour l’Homme. Aurélie Jean considère que “la technologie seule n’est ni bonne ni mauvaise. C’est la manière dont nous l’utilisons qui détermine son impact sur le monde. (…) Les outils numériques peuvent menacer un système démocratique quand ils sont utilisés à des fins de manipulation. Comprendre leur fonctionnement permet de développer un esprit critique et d’être en mesure de les utiliser différemment. » 

Conférencière et auteure de nombreux articles et essais scientifiques, Aurélie Jean tente de vulgariser les concepts fondamentaux liés à l’IA afin de mieux les appréhender (et donc, moins la craindre !). 

“Les sciences de l’IA sont des super leviers pour une indépendance intellectuelle forte. (…) La vulgarisation scientifique contribue à la liberté de chacun.”

3 – Valoriser l’éthique technologique 

Aujourd’hui, les algorithmes façonnent notre quotidien. Et c’est tant mieux, car l’Intelligence Artificielle nous fournit des résultats souvent très complets et pertinents. Mais la scientifique nous alerte aussi sur les risques réels d’un développement anarchique et mal encadré de ces technologies. En effet, elle défend un cadre législatif garantissant une éthique technologique mondiale cohérente « L’éthique doit guider notre utilisation de la technologie. Nous avons la responsabilité de nous assurer que nos actions respectent les valeurs humaines fondamentales. »

Dans son essai De l’autre côté de la machine, Voyage d’une scientifique au pays des algorithmes (2019) Aurélie Jean soulève les problèmes que posent un mauvais usage des algorithmes, en prenant l’exemple du cas de l’algorithme de recrutement d’Amazon, entraîné sur la base de données des embauches des dix années précédentes où la majorité des postes avaient été pourvus par des hommes ; l’algorithme en a donc conclu, à tort, que les hommes étaient de meilleurs candidats… 

4 – Instaurer une réglementation mondiale de l’IA 

Le livre Les algorithmes font-ils la loi ? (2021) interroge leurs places au sein de nos institutions juridiques. Pour Aurélie Jean, le développement des logiciels de justice prédictive utilisant les algorithmes pour exercer le pouvoir judiciaire doit être régulé. “Non, les algorithmes ne font pas la loi.” Cependant, la scientifique nous met en garde sur nos conclusions parfois trop hâtives conduisant à de graves erreurs d’analyses. “Il faut instaurer une réglementation mondiale ainsi que des lois souples et anticipatrices capables d’accompagner le développement fulgurant de l’IA. Les dirigeants politiques et économiques ont une responsabilité importante dans cet accompagnement.”

5 – Maîtriser l’IA, exercer sa curiosité et son esprit critique

Aurélie Jean valorise le fait qu’il est important d’apprendre à utiliser l’IA pour développer et accroître nos connaissances. Dans un monde en constante évolution technologique, l’apprentissage continu est, pour elle, essentiel pour rester pertinent et compétitif.

“Sans être un scientifique de la donnée, on doit comprendre ce qu’est la data, comment on peut la collecter de manière à construire de bons réflexes dans son métier et, pourquoi pas, travailler en collaboration avec des ingénieurs. Sans le réaliser, on fait évoluer son métier et ses compétences pour s’adapter à une demande technique de plus en plus présente. 

Dans L’apprentissage fait la force (2020), Aurélie Jean souligne l’importance de rester curieux et d’acquérir de nouvelles compétences pour s’adapter aux défis technologiques et sociaux, dans un monde en constante évolution. « La curiosité est l’essence de la découverte. Ne cessez jamais de poser des questions et d’explorer le monde qui vous entoure. »

Avec Algorithmes, bientôt maîtres du monde ? (2023), la scientifique nous rappelle aussi que l’un des moyens de garder le contrôle sur ces data technologies est d’exercer…  sa réflexion critique.   

La scientifique incarne la vision d’un avenir où la science, la technologie et l’intelligence artificielle sont mises au service de l’humanité, avec éthique et responsabilité. Les sciences de l’Intelligence Artificielle sont des outils extraordinaires pour comprendre les mécanismes de nos sociétés, mais ne négligeons pas les capacités de notre propre cerveau : nous sommes tous capables de réfléchir et penser par nous-mêmes… même à contre-courant. 

« L’innovation n’est pas réservée à quelques-uns. Chacun d’entre nous a le potentiel de créer et de contribuer au progrès technologique. » Aurélie Jean 

Biographie d’Aurélie Jean 

Née à Clamart (Hauts de seine) en 1982, Aurélie Jean, détectée surdouée à l’âge de 6 ans, passionnée de sciences, étudie d’abord les mathématiques, la physique et la mécanique à l’université Pierre et Marie Curie. Elle intègre ensuite deux prestigieuses écoles françaises : l’école Normale Paris-Saclay et l’École nationale supérieure des Mines de Paris. Docteure en science et génie des matériaux en 2009, elle réalise sa recherche postdoctorale dans la modélisation numérique appliquée à la médecine au sein de la prestigieuse université d’État de Pennsylvanie et au Massachusetts Institute of Technology (Le MIT). Elle mène alors des recherches sur les lésions cérébrales traumatiques et l’ingénierie des tissus cardiaques à l’aide de modèles informatiques. À la suite de ce brillant parcours universitaire , elle travaille deux années au sein du groupe spécialisé dans l’informatique financière Bloomberg à New York, puis devient en 2018 consultante sénior pour le Boston Consulting Group, l’un des trois cabinets de conseils en stratégie les plus prestigieux du monde. Dans le même temps, elle enseigne au MIT et devient la marraine de la première promotion de l’école I.A. Microsoft à Issy-les-Moulineaux. En 2016, elle crée une agence de développement et de conseil sur les données, les algorithmes et les simulations informatiques (In Silico Veritas), puis fonde avec des associés franco-israéliens à Tel-Aviv la start-up DPEEX, pour mettre au point des applications exploitant l’Intelligence Artificielle au service de la médecine prédictive, et ainsi détecter la signature tumorale du cancer du sein deux ou trois ans avant qu’elle ne soit visible sur une mammographie.

Violaine Berlinguet pour FRW 

Sources : 

Le Point, Novembre 2019
Le Figaro, Janvier 2020, Novembre 2021, Octobre 2023 
Le Point, mars 2020
Libération, mars 2020
Elle, Juillet 2020
La Tribune, novembre 2023
La Voix du Nord, avril 2023 

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