orthographe reformee en redaction web

Rédacteurs web, appliquez-vous les rectifications orthographiques de 1990 ?

Porte-monnaie ou portemonnaie ? S’asseoir ou s’assoir ? Vous partez « au mois d’août » ou « au mois d’aout » ? Événement ou évènement ? Euh… Et vous, vous en êtes où avec les rectifications orthographiques de 1990 ? Dans cet article, je vous propose de refaire le tour des principales modifications introduites par le Conseil supérieur de la langue française afin de décider si, oui ou non, vous voulez utiliser l’orthographe réformée en rédaction web. Une bonne fois pour toutes, mettons un terme à toutes ces ambiguïtés/ambigüités !

Retour dans les années 1990 : la réforme de l’orthographe, c’est quoi ?

Ce qu’on a pris l’habitude de nommer « la réforme de l’orthographe de 1990 » ou « l’orthographe réformée » trouve sa source dans un document nommé Les rectifications orthographiques du français. Il s’agit d’un rapport du Conseil supérieur de la langue française, publié dans le Journal officiel de la République française le 6 décembre 1990.

Contrairement à ce qu’on pourrait penser de prime abord, ce n’est donc pas l’Académie française qui en est à l’origine. En fait, bien qu’elle en ait d’abord approuvé l’idée, elle a aussi émis des réserves à son encontre en 2016, à l’occasion de son entrée dans les manuels scolaires.

Quoi qu’il en soit, retenez que l’Académie accepte les deux orthographes. Résultat : nous nous retrouvons au quotidien avec deux orthographes valables. L’une est qualifiée de « nouvelle », « recommandée » ou « rectifiée », tandis que l’autre est dite « traditionnelle » ou « ancienne ».

La nouvelle orthographe gagne néanmoins du terrain. Tout d’abord, l’orthographe réformée est considérée comme « la référence » par la République française depuis 2008. Certes, en pratique, elle reste peu utilisée — ou utilisée inconsciemment. Mais gageons que l’apprentissage des rectifications sur les bancs de l’école devrait désormais changer la donne… Par ailleurs, il est à noter que d’autres pays francophones, comme la Belgique et la Suisse, l’ont intégrée plus rapidement dans leurs programmes scolaires. Qu’on l’aime ou non, son utilisation se répand.

Quelques exemples de mots dont l’orthographe s’est vue « rectifiée » ou « modernisée »

Et vous, utilisez-vous l’orthographe réformée en rédaction web ? Pour vous aider à y voir plus clair, faisons un petit tour d’horizon des modifications les plus importantes parmi les 5 000 mots qui se sont vus modifiés (une broutille comparée à toutes les modifications réalisées au cours de l’évolution de la langue, notamment par l’Académie française).

Commençons par une série d’anomalies qui ont été « rectifiées » par la réforme. Les premiers cas concernent des « incohérences » dans des séries de mots. Par exemple :

  • « boursoufler » devient boursouffler comme souffler ;
  • « chariot » devient charriot comme charroi, charrette ;
  • « imbécillité » devient imbécilité comme imbécile.

Mais on trouve aussi :

  • absout au lieu d’absous, absoute ;
  • assoir au lieu d’asseoir ;
  • nénufar au lieu de nénuphar ;
  • ognon au lieu d’oignon ;
  • relai au lieu de relais (en cohérence avec relayer) ;
  • etc.

???? Que vous appliquiez ces rectifications ou non, vous trouverez certainement intérêt à découvrir aussi ces 3 solutions pour éviter les fautes d’orthographe.

11 règles à suivre pour se mettre à la page en matière de nouvelle orthographe

Outre ces rectifications ponctuelles, le Conseil supérieur de la langue française a décidé de réaliser quelques modifications de plus large ampleur. Pour écrire un français moderne, conservez ces 11 règles à l’esprit.

Règle n° 1 : les numéraux composés

Vous relierez désormais les numéraux composés par des traits d’union.

  • Par exemple : quarante-et-un, trois-cents, neuf-cent-dix-huit, sept-mille-trois-cent-treize, vingt-et-unième, six-millièmes…
  • Mais attention ! Comme milliard, million et millier sont des noms, ils ne sont pas concernés par cette rectification.

Règle n°2 : les noms composés

Lorsque le mot est au pluriel, vous écrirez le second élément des noms composés de la forme [verbe + nom] ou [préposition + nom] au pluriel.

  • [Verbe + nom] : un pèse-personne/des pèse-personnes, un porte-parole/des porte-paroles.
  • [Préposition + nom] : un sans-papier/des sans-papiers, un après-midi/des après-midis.

Règle n° 3 : l’accent grave

Vous emploierez désormais l’accent grave au lieu de l’accent aigu dans un certain nombre de mots et de verbes (le futur et le conditionnel des verbes qui se conjuguent comme céder).

  • Exemples de mots : évènement (sur le modèle d’avènement), règlementaire (comme règlement).
  • Et dans la conjugaison : nous cèderons, ils règleraient.

Règle n° 4 : l’accent circonflexe

Vous ferez disparaître l’accent circonflexe du « i » et du « u ».

  • Par exemple : août devient aout.
  • Mais encore : boite, buche, cout, maitresse, nous entrainons, il parait…

Toutefois, vous le maintiendrez dans les cas suivants :

  • les terminaisons verbales du passé simple : fîmes, fîtes, fûmes, fûtes.
  • les terminaisons verbales du subjonctif : fît, fût.
  • en cas d’homonymie : croîs, croît, crû(e)(s), dû, jeûne(s), mûr, sûr (mais murs, mure(s) ; et surs, sure(s)).

Règle n° 5 : les verbes en -eler ou -eter

Vous conjuguerez les verbes en -eler ou -eter comme peler ou acheter, et vous écrirez les dérivés en -ment comme les verbes correspondants.

  • Par exemple : tu feuillètes, ils renouvèlent.
  • Mais aussi : nivèlement, morcèlement…
  • Attention, néanmoins, à ces exceptions : appeler, jeter et leurs composés, qui prennent deux « l » et deux « t » (elle appelle, nous interpellerons, il jettera, vous projetterez, etc.).

Règle n° 6 : les mots empruntés

Vous formerez le pluriel des mots empruntés comme les mots français et vous les accentuerez conformément aux règles qui s’y appliquent.

  • Par exemple : revolver devient révolver, un senior devient un sénior, des sandwich deviennent des sandwichs et un scenario des scénarios.

Règle n° 7 : la soudure

Vous appliquerez la soudure dans un certain nombre de mots.

  • Les composés de contr(e)- : contrepied, par exemple.
  • Les composés de entr(e)- : entretemps, entrechat, etc.
  • Les onomatopées : tictac, houlala…
  • Les mots d’origine étrangère : weekend, ossobuco, etc.
  • Les mots composés avec des éléments « savants » : autoévaluation, antibactérien, etc.
  • Les mots composés avec des préfixes tels qu’infra-, supra-, extra- : extraterrestre ou infralunaire…
  • Mais encore : portemonnaie, par exemple !

Règle n° 8 : les mots en -olle et les verbes en -otter

Désormais, vous écrirez les mots en –olle et les verbes en -otter (et leurs dérivés) en -ole et en -oter.

  • Exemples : corole, frisotis ou encore mangeoter.
  • Exceptions : botte, crotte, colle, folle, hotte et molle, ainsi que les mots qui appartiennent à la même famille (tel que le verbe botter, qui vient de botte).

Règle n° 9 : le tréma

Vous déplacerez le tréma sur le u pour montrer la prononciation de cette lettre dans les mots comportant : -guë- et -guï-, -geure. Vous l’ajouterez aussi sur certains mots.

  • Par exemple : aiguë, ambiguë et ambiguïté deviennent aigüe, ambigüe et ambigüité.
  • Le tréma est ajouté à argüer et à gageüre, mais aussi à mangeüre, rongeüre, vergeüre…

Règle n° 10 : le « i » muet

Vous supprimerez le « i » muet après les deux « l » dans les mots en -llier ou -illière. Vous utiliserez plutôt les terminaisons en -iller et -illère.

  • Cas : joailler, marguiller, quincailler, serpillère.

Règle n° 11 : Le participe passé de laisser

Vous ne conjuguerez pas le participe passé de laisser lorsqu’il est suivi d’un infinitif (il devient invariable, à l’image de faire).

  • Par exemple : elle s’est laissé convaincre.

Les rectifications orthographiques et les outils informatiques (correcteurs orthographiques) utilisés par les rédacteurs web

Un grand nombre de rédacteurs et de rédactrices web se sert de correcteurs informatiques pour les aider dans la rédaction, et tout particulièrement au moment de la relecture. J’en fais partie. Or, on peut dire que, de façon générale, ces outils participent à la diffusion de l’orthographe réformée.

Impossible de ne pas évoquer tout d’abord Antidote, largement utilisé dans notre métier. Comme vous l’aurez peut-être constaté, il intègre l’ensemble de la nouvelle orthographe. Plus précisément, vous aurez certainement repéré la partie « Incohérences » qui apparaît à droite, dans le correcteur : c’est l’endroit où le logiciel vous indique les différentes graphies utilisées dans votre texte et vous invite à les uniformiser. Vous avez alors le choix d’utiliser, ou non, l’orthographe réformée.

Autre produit qui pourrait retenir votre attention : ProLexis. On le connaît moins en rédaction web, et pourtant il est particulièrement prisé du monde de l’édition et de la presse. ProLexis est un correcteur orthographique professionnel et payant qui propose, lui aussi, le choix entre les deux graphies.

???? Si vous rechignez à investir dans un correcteur orthographique professionnel, vous pouvez consulter ce classement des correcteurs orthographiques en ligne établi par Anne Beckers. Un article bien utile pour choisir le bon outil gratuit !

Enfin, remarquez aussi que les logiciels de traitement de texte développés par Microsoft ou OpenOffice incorporent également les deux orthographes. Soit ils laissent le choix à l’utilisateur, soit ils comptent directement les deux orthographes comme justes.

Utiliser ou non l’orthographe réformée en rédaction web : c’est avant tout la préférence du client et la cohérence qui comptent !

Nous l’avons vu au début de cet article : l’« ancienne » et la « nouvelle » orthographe sont toutes les deux valables. Si vous avez été sur les bancs de l’école avant les années 1990, voire avant 2016 en France (ce qui est fort probable ????), il est à parier que vous préfériez rester sur vos acquis. Et après tout, pourquoi pas ! Vous avez appris certaines règles, certaines graphies, et il n’y a pas d’obligation d’en changer.

Il en va de même si vous avez directement appris à écrire avec l’orthographe réformée. Ne vous sentez pas gêné de rédiger de cette façon, puisqu’elle est tout à fait acceptable et constitue même la référence aujourd’hui.

En rédaction web, comme dans vos autres écrits professionnels, vous privilégierez la simplicité et la cohérence. Si vous commencez à utiliser l’orthographe réformée, cherchez à l’appliquer à tous vos textes. Bien sûr, quand vous écrivez pour un client, assurez-vous que cela corresponde à son choix et à sa ligne éditoriale. Car c’est lui qui aura le mot de la fin, dans cette histoire. Et s’il en va pour vous de la défense d’un principe, comme c’est souvent le cas avec l’écriture inclusive par exemple, alors il sera sans doute préférable d’en discuter avec lui en amont afin de lui expliquer votre position.

Mais reconnaissons-le, on ne sait pas toujours à quelle orthographe on se réfère. Et c’est bien là le problème ! Pour tout vous avouer, c’est même l’origine de cet article : je me suis rendu compte que j’écrivais certains mots avec l’orthographe réformée et d’autres avec l’orthographe traditionnelle. J’ai donc souhaité rappeler ces quelques règles afin d’aider tout un chacun (et moi en premier) à agir plus consciemment et, ainsi, soigner ses textes aux petits ognons/oignons !

???? La rédaction web vous attire, mais vous ne savez pas à quel saint vous vouer dans ce domaine ? Je vous suggère de découvrir notre offre de formation FRW : plusieurs formules vous sont proposées pour apprendre ce métier passionnant et commencer rapidement à vivre de vos écrits.

En attendant, je vous laisse avec ces quelques références :

  • République française, « Les rectifications de l’orthographe », Journal officiel de la République française. Documents administratifs. Numéro 100,‎ 6 décembre 1990 [document PDF consulté sur le site de l’Académie française le 1er juillet 2022].
  • Académie française, « Questions de langue. Rectifications de l’orthographe », disponible sur : http://www.academie-francaise.fr [consulté le 1er juillet 2022].
  • Masson, Michel. L’orthographe : guide pratique de la réforme. Paris : Éditions du Seuil, 1991, 184 p.
  • de Closets, François. Zéro faute. L’orthographe, une passion française. Paris : Mille et une nuits, 2009, 300 p.
  • Ponsonnet, Aurore, La boîte à outils de l’orthographe : pour améliorer vos écrits professionnels. Paris : Dunod, 2019, 192 p.

À bientôt !

Nicolas Delforge, ancien élève Origami 5 et coach FRW.

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3 réponses

  1. Merci beaucoup pour cette mise au point. J’ai réalisé que, moi aussi, j’utilisais les deux orthographes alors que j’aurais plutôt dit que j’étais une adepte de l’ancienne.
    Je vais conserver votre article dans ma liste des articles ressources. Je suis convaincue que j’en aurai besoin à l’avenir.
    Passez une bonne journée !
    Muriel

  2. Wow, je suis venue ici pour chercher un lien utile à insérer dans mon article et je suis tombée sur le vôtre. C’est un sujet intéressant et une question que je me suis toujours posée : Dois-je écrire « ognon » ou « oignon » ? et je n’étais même pas au courant pour nénuphar lol !!
    Cet article répond vraiment à toutes mes questions !
    Je ne vous remercierai jamais assez !

    1. Merci Assia pour ton message, et contente que tu aies trouvé les réponses que tu cherchais avec cet article !

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